Les amours perdues, la mélancolie et la plainte douloureuse de Guillaume Apollinaire - La Colombe Poignardée et le jet d'eau  

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Le poème intitulé La Colombe poignardée et le jet d’eau est un poème visuel de Guillaume Apollinaire, qu’on peut lire dans ses œuvres Calligrammes publiées en 1918. Ma réflexion va m’amener à parler du symbolisme de la colombe, du jet d’eau et de l’œil mais aussi de ce qu’on peut comprendre au travers de cette utilisation des aspects visuels. De plus, on va voir sa forme poétique, incluant l’usage du vocabulaire (notamment lié à l’eau, au sang et aux jardins), les noms inclus dans ce poème et l’importance du point d’interrogation mais aussi les références au jardin de Gethsémani qu’il a utilisées au travers de ce poème
.
Le poème se constitue de trois éléments principaux : la colombe, le jet d’eau et un œil. On peut voir la présence de trois éléments dominants : « C » « ? » « O », donc les yeux sont attirés vers un axe vertical, aussi ai-je décidé d’analyser le poème de haut en bas. La colombe est constituée des prénoms féminins. Il faut remarquer que les prénoms sont tous en majuscules aussi il semble qu’il ait voulu souligner ces prénoms. Les prénoms représentent les amours perdues. La colombe rappelle, sur un niveau emblématique, deux idées : l’amour et la paix. La colombe est un symbole de paix, et les prénoms représentent les amours perdues. Apollinaire veut opposer cette idée à celle de la guerre. La colombe emblématique de la paix, est poignardée, ce qui nous montre qu’Apollinaire a voulu opposer les tendances destructrices de la guerre et de l’amour, ce qui est douloureux. Les colombes sont blanches, elles représentent l'innocence de l'amour et les victimes de la guerre. Les deux idées semblent être aux antipodes mais les sentiments qu'elles provoquent sont très similaires. Aussi, il existe une colombe connue sous le nom de « La
Gallicolombe poignardée » qui est une espèce de colombe qui doit son nom à la tâche rouge qu'elle porte sur la poitrine. Cette tâche nous fait penser à deux choses : une blessure par balle, mais aussi une représentation visuelle du cœur brisé. On peut voir aussi que la colombe ressemble à la crucifixion de Jésus. Jésus représente l’innocence de l’homme, et la crucifixion, une métaphore de la guerre qui perturbe la paix. Encore une fois, la guerre apparaît comme le péché ultime de l’humanité. La colombe qui s’extasie, représente le bonheur et ainsi l’espérance. La seule représentation du bonheur et de l’espérance est tuée par la guerre.

Deuxièmement, le jet d’eau. Dans cette strophe, Apollinaire parle des amis dont il n’a pas reçu de nouvelles à cause de la guerre. Ce souci constant pour ses amis l'a amené à inventer le verbe « se mélancolisent » signifiant la tristesse. Il craint que ses amis ne meurent, ou peut-être « sont-ils morts déjà ? » Avec « L’eau dormant » il personnifie l’eau donc cela renvoie les larmes et la tristesse d’Apollinaire. Le dessin du jet d’eau indique des mouvements verticaux qui « jaillissent vers le firmament » mais également une chute, au-dessous de l’œil quand « le soir tombe ». Deux idées opposées donc, nous pouvons dire que cette ascension et cette chute représentent les hommes partant pour la guerre et qui sont tombés au front. Par conséquent, les hommes ne sont plus des individus mais des vagues s'échouant sur le rivage et lançant des gouttelettes d'eau, ou plutôt ici de sang, dans cette « sanglante mer ». Cette strophe évoque, avant tout, une énorme tristesse. Le fait qu’ils pleurent, les jets d’eau symbolisent les larmes qui roulent sur ses joues et donc la tristesse du poète ; car Apollinaire va perdre ou a déjà perdu ses amis.

Il y a un seul signe de ponctuation dans tout le poème, « ? ». Grâce à ce procédé, le poète cherche à faire douter de la guerre, et à faire réfléchir le lecteur au sujet de la guerre. Pourquoi la guerre est-elle nécessaire ? On peut voir l’usage d’un seul point d’interrogation dans « Du Coton dans les oreilles » où ce procédé est utilisé d’une manière similaire. Le point d’interrogation d’Apollinaire est utilisé pour dénoncer la guerre mais aussi pour mettre en doute « le sens de la vie humaine » et « la vie et la mort »3. On pourrait conclure qu’en écrivant le point d’interrogation en caractère gras, il ait voulu faire une remarque contre les futuristes. Apollinaire est considéré comme un poète indépendant , séparé de le mouvement futuriste et lui-même a dit « je ne suis nullement futuriste » et bien qu’il ait été en faveur du futurisme, il a exigé que sa ferveur pour la poésie expérimentale soit complétement indépendante de ses croyances politiques et qu’elles n’aient « rien de partisanes5 ». En fait, il soutenait le mouvement pour «le grand changement artistique européenne »6. Apollinaire est majoritairement d’accord avec les idées des futuristes sauf en ce qui concerne la guerre.

Finalement, il faut parler de l’œil. Premièrement, l’œil semble être ouvert donc peut-être est-il un message. On ne doit pas suivre aveuglement. La guerre n’est pas honorable ni glorieuse, donc il faut que nous ouvrions nos yeux et que nous réfléchissions. La douleur et la souffrance valent-elles la peine ? Quand on lit la phrase : « CEUX QUI SONT PARTIS » écrite en majuscules, cela signifie qu’Apollinaire a voulu attirer l’attention sur cette phrase. Il faut agir immédiatement, les vies vont être perdues. Apollinaire dénonce la guerre et il veut provoquer une réflexion chez le lecteur. « Au nord » fait référence à la bataille de la Somme, l’une des batailles les plus sanglantes mais aussi « Au nord » rappelle le froid, et ça pourrait faire référence au meurtre de sang-froid. De plus, si on dit à haute voix « le soir tombe ô » on peut entendre un message caché, « le soir tombeau » qui fait référence à l’espérance de vie pendant la première guerre mondiale, qui était terriblement courte. À travers cette technique de jeux de mots, Apollinaire fait ressortir la mort imminente. D’un point de vue plus nuancé, on peut voir les références aux jardins. Les mots « jardins, rose, fleur, laurier » font penser aux jardins, et au poème « Les Grenadines repentantes » écrit par Apollinaire. Avec « Nos effroyables jardins », il veut exprimer un contraste entre les jardins et la guerre. Les jardins évoquent le cercle de vie coupé court par la guerre. On voit un lien entre « Les Grenadines repentantes » et les « péchés » ; en ajoutant une référence religieuse, cela fait penser au Jardin de Gethsémani. Les mots « Saigne » et « guerrière » rappellent ce jardin où Jésus suait des gouttes de sang.

Pour résumer, Apollinaire a voulu exprimer sa haine envers la guerre avec ce poème. Il l’a utilisé pour rejeter la guerre et il a voulu mettre en lumière ce qui se passait à l’époque mais aussi toute sa tristesse. Il craint que la guerre ne soit acceptée par le peuple et il a voulu le changer. Ce poème pleure avec son malheur, et il me semble que ce poème est une capsule temporelle de ses sentiments. Il faut apprécier la belle vie, l’amour et les jardins parce qu’on ne sait pas quand sera notre dernière journée. Ce poème nous montre les effets de la guerre. La douleur, la séparation des familles, la mort de ceux que nous aimons, la perte d’amour et d’amitié … Tout cela remplacée par la souffrance de la guerre.

Bibliographie
Apollinaire, Guillaume, Guillaume Apollinaire: Intégrale Des Œuvres (French Edition), Google Books (GrandsClassiques.com, 2015) https://books.google.fr/books?id=rIm0CgAAQBAJ [accedé 12 December 2015] Apollinaire, Guillaume, and GrandsClassiques.com, Guillaume Apollinaire, Google Books (GrandsClassiques.com, 6AD) https://books.google.fr/books?id=rIm0CgAAQBAJ [accessed 12 December 2015] Debon, Claude, Claude Debon Commente ‘Calligrammes’ de Guillaume Apollinaire (Paris: Gallimard, 2004)
‘Harrow: Naming the Modernist: The Ambiguities of Apollinaire ’, in The Turn of the Century/le Tournant Du Siècle, by Christian Berg, Frank Durieux, and Geert Lernout (Walter de Gruyter, 1995) https://books.google.fr/books?id=dd4gAAAAQBAJ [accedé 4 December 2015]

 
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I have the right to offend you, and your God.

For those who do not speak french, the label attached to the AK-47, translates as “this shoots” and the latter “satire”, with a play on words as they are both pronounced the same in french. I have often been faced with debates regarding... Continue →